« Au nom de la Dette » ? Va-t-on finir par le croire ?
Bien plus qu’une grève, le mouvement contre la réforme des retraites apparaît aujourd’hui comme un cri. Un cri exprimant les colères. La convergence n’est pas encore un fait, mais il y a un consensus. Il y a au moins une chose que nous ont appris les Gilets Jaunes, c’est que, bien plus sûrement que ne le sont les plateaux des chaînes d’informations, la rue est le lieu de l’expression politique. Il y a donc consensus à retourner à la rue et à s’exprimer, pour qu’enfin les masses soient entendues. Consensus non pas seulement contre la mise en place d’un nouveau système de retraite par points, mais contre l’avènement d’une société nouvelle. Société du chacun pour soi. Société au paradigme fou d’une guerre entre pauvres plutôt qu’une guerre contre ceux qui vivent sur le dos de la pauvreté. Société où tout acquis social est un privilège quand il concerne des travailleurs mais où tout ce qui relève réellement du privilège, passe pour la récompense attachée au mérite d’une élite. Le nouveau monde cache ses relents d’Ancien Régime sous les charmantes formules de communicants.
Toujours vautré dans les sous-bois et ne voulant pas en sortir sans « stratégie », le gouvernement se joue de la division. Nous monte les uns contre les autres. Crie sur tous les toits que tout soutien à la grève n’est que soutien à l’inégalité des régimes spéciaux. Ou, plus récemment, que la réforme est l’une des réponses apportées aux Gilets Jaunes. Habilement, il se préserve en refusant de servir les détails qui révéleront l’ampleur des dégâts potentiellement imposés à l’ensemble de la classe travailleuse.
Alors certes, il y a des régimes avantageux pour certains emplois pénibles. Mais faut-il pour autant tomber dans le piège d’un discours visant à stigmatiser les cheminots ou les agents de la RATP ? Se battent-ils pour la conservation d’un privilège ? Assistons-nous réellement à une prise d’otage afin de maintenir une société inégalitaire ?
Plus que jamais ce sont eux les otages. Pris en étau entre un pouvoir déterminé à détruire ce qu’il reste d’acquis sociaux et, une société civile qui ne reconnaît plus son appartenance à une classe économiquement opprimée devant se battre pour améliorer ses conditions de vie. Ils se battent pour un acquis lié à leurs conditions de travail. Un acquis qui plutôt que d’être perçu comme un privilège devrait être reconnu comme un objectif à atteindre pour tout le monde. Un régime universel, égalitaire, et nivelé par le haut.
Le 24 janvier, c’est une lutte contre l’empire de la Dette. Une lutte entre possédant et dépossédés.
C’est l’ensemble de la société, étudiants, ouvriers, employés, fonctionnaires ou personnel hospitaliers qui, aujourd’hui, se relève d’années d’austérités. D’années de sacrifices. Des années au nom de la Dette. Une dette qui semble ne jamais se réduire malgré les efforts budgétaires, malgré les plans de restructurations massif. Une dette qui s’accroît, une austérité qui persiste, mais pas pour tout le monde. Non, loin de là… Pendant que le pauvre s’acharne sur le voisin parce qu’il serait un profiteur, un assisté, un privilégié… Pas un mot sur ceux qui depuis le début de la crise profitent de l’austérité pour s’enrichir. Pas un mot pour dénoncer ouvertement l’augmentation pharaonique des dividendes que les médias
célèbrent. Non pas un mot sur ceux-là. Sur ceux d’en haut… Pas un mot sur ces élites qui s’engraissent de nos sacrifices.
Une année de manifestation de gilets jaunes, devenus pour certain gilets noirs depuis le déferlement de violence que l’État a déployé pour renvoyer le pauvre dans son trou. Une année passée à dénoncer les faiblesses d’une société sans justice sociale et fiscale. Une année qui se solde par des débats sans fin sur la violence de quelques manifestants cassant des vitrines ou brûlant des poubelles. Sur la brutalité du pouvoir et de sa police… « Classement sans suites » !
« Paradigme fou d’une guerre entre pauvres plutôt qu’une guerre contre ceux qui vivent sur le dos de la pauvreté »
Que reste-t-il alors ? Des pauvres qui se battent entre eux. Qui se sentent pris en otage par quelques personnes encore déterminées à vivre dignement et ne culpabilisant pas face à une dette construite contre les peuples par ceux qui n’en souffrent pas. S’il y a prise d’otage, alors elle n’est pas là où l’on aimerait nous la faire voir dans les grands médias. La prise d’otage, c’est celle de tous ces Français qui ne vivent qu’avec peu. Qui vivent avec la pression du toujours moins. Qui vivent dans l’incertitude du lendemain.
C’est cela la grève aujourd’hui. Un appel d’air où l’on pourra se tenir debout, cesser de culpabiliser et, réclamer enfin que Justice sociale et fiscale soient les objectifs de toutes nos politiques publiques.
Le 24 janvier, un seul mot d’ordre,
« Soyons Fiers, Soyons Furieux, Renversons la Dette et son monde ».
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