Le Comité de suivi et d’évaluation des aides publiques aux entreprises et des engagements consacre son premier rapport aux exonérations générales de cotisations sociales patronales pour en dresser un bilan sur l’emploi, les salaires et la structure productive.
Ces exonérations occupent aujourd’hui une place prépondérante au sein de l’ensemble des mesures visant à soutenir l’appareil productif français, mais pour quel résultat interroge le comité de suivi car les évaluations n’ont pas été faites vraiment, ce qui pose un vrai problème en matière d’argent public.
Mise en œuvre depuis vingt-cinq ans, cette politique d’exonération s’est amplifiée par vagues successives jusqu’à atteindre un coût direct [1] de l’ordre de 25 milliards d’euros pour les finances publiques [2].
La première vague date de 1993 : elle fut décidée avec l’objectif de faire reculer le niveau élevé du chômage de la main-d’œuvre peu qualifiée en abaissant le coût du travail au voisinage du Smic.
Dans la deuxième vague, il s’agissait de contenir la hausse du coût du travail en bas de l’échelle salariale dans un contexte où la politique de réduction du temps de travail devait se faire en maintenant, au niveau du Smic, les rémunérations nettes mensuelles.
Lors de la troisième vague, le dispositif d’exonérations fut étendu et harmonisé pour contenir l’effet du processus de convergence vers le haut du Smic mensuel et des diverses garanties mensuelles de rémunération applicables selon le moment où l’entreprise était passée aux 35 heures.
Enfin, le Pacte de responsabilité et de solidarité a encore amplifié ces exonérations.
Au total, les cotisations sociales patronales qui financent les régimes de sécurité sociale sont désormais nulles au niveau du Smic.
Quel impact ? Difficile à dire
En France, les travaux d’évaluation de la politique d’exonérations de cotisations sociales patronales sur les bas salaires ont surtout cherché à mesurer son effet sur le volume de l’emploi.
Ils aboutissent globalement à conclure que la première vague d’allègements (de 1993 à 1997) a permis de créer ou sauvegarder de l’ordre de 300 000 emplois et la deuxième vague (de 1998 à 2002) environ 350 000 emplois. Les effets de la troisième vague (de 2003 à 2005), eux, seraient quasi nuls.
Cependant, pour ce qui concerne la deuxième et la troisième vague, les effets de ces exonérations ne peuvent pas être évalués indépendamment de la baisse du temps de travail et de la convergence vers le haut des différentes garanties mensuelles de rémunération qui les ont accompagnées.
Par ailleurs, on ne dispose à ce jour d’aucune évaluation des effets sur l’emploi de cette politique sur l’ensemble des vingt-cinq dernières années.
Enfin, on sait peu de choses sur la nature des emplois créés ou sauvegardés (par sexe, âge, diplôme, catégorie socioprofessionnelle, expérience) et sur leur ventilation par secteur d’activité ou taille d’entreprise.
Les évaluations des effets de cette politique sur les salaires sont moins nombreuses. Or la façon dont l’évolution des cotisations, donc des exonérations de cotisations, se répercute sur l’évolution des salaires est un enjeu central si l’on veut capter leurs effets sur l’emploi, en particulier à moyen et long termes.
Il n’existe pas d’études visant à établir et à chiffrer l’effet de la montée en charge des exonérations de cotisations sociales patronales sur l’ensemble de la distribution salariale et sa dynamique.
Enfin, les conséquences à moyen et long termes des allègements de cotisations sociales patronales sur l’appareil productif sont largement inconnues.
On ne dispose d’aucune étude sur leurs effets sur la formation (initiale et continue), les investissements (physiques et en recherche et développement), l’innovation, la montée en gamme de l’économie française et la croissance potentielle.
Au final, le COSAPE appelle à la réalisation de travaux complémentaires, visant à déterminer les effets réels de ces politiques d’exonérations généralisées.
[1] Le coût direct désigne la perte de recettes fiscales ou sociales résultant de l’application d’exonérations ou de taux de cotisations dérogatoires, par rapport au taux jugé normal ou taux plein. Cette estimation ne tient pas compte du fait que si l’exonération se traduit par un gain en emploi ou en compétitivité de l’économie française, cela réduit d’autres dépenses publiques (traitement du chômage) ou génère d’autres rentrées fiscales. À l’inverse, le mode de financement de ces exonérations (baisse d’autres dépenses publiques ou hausse d’autres prélèvements) et ses conséquences ne sont également pas pris en considération.
[2] Les réductions générales de cotisations patronales sur les bas salaires s’élevaient à 21 milliards d’euros en 2015. En y ajoutant les baisses de taux de cotisations d’allocations familiales décidées dans le cadre du Pacte de responsabilité et de solidarité, les allégements généraux de coût du travail jusqu’à 1,6 Smic atteignaient 25 milliards d’euros en 2015.