La loi en préparation sur les retraites ne serait présentée qu’au deuxième semestre 2019, mais c’est dès maintenant que, suite aux premières annonces donnant les grandes lignes du projet, les salariés doivent s’emparer du dossier, intervenir, s’opposer et proposer des alternatives. Le vote pour FSU aux élections professionnelles de décembre 2018 sera une occasion d’exprimer le rejet de tout projet qui mettrait à mal les solidarités.
La FSU publie ici l’ensemble des documents qui détaillent les projets gouvernementaux ainsi que des compte rendus des réunions au haut commissariat à la réforme des retraites :
- sur le système cible (les « généralités », ce que signifie le passage à un système « universel » : echanges 1.1 et échanges 1.2 ) et le compte rendu FSU
- sur la prise en compte des droits « non contributifs » : échanges 2.1 et échanges 2.2, le compte rendu FSU
- sur les droits familiaux et l’égalité entre les femmes et les hommes : échanges 3.1 et échanges 3.2 et le compte rendu FSU
- sur la date d’entrée en vigueur et la transition vers un nouveau régime : echanges 4.1 et échanges 4.2 et le compte rendu FSU
Une retraite par points, comment ça fonctionne ? Pourquoi les salariés, et pourquoi particulièrement les fonctionnaires, ont-ils beaucoup à y perdre ?
Le gouvernement envisage de mettre en place un système de retraites par points.
Les cotisations sont transformées en points selon la valeur d’achat du point. La pension est déterminée par la valeur de liquidation (ou valeur de service) du point. Ces deux valeurs varient chaque année.
Il y a plusieurs techniques pour les determiner : par exemple, la valeur de service peut varier en fonction de l’âge au moment de la liquidation, ou encore le point peut avoir la meme valeur quel que soit son âge mais le système peut prévoir des minorations de pensions à partir d’un age pivot, etc. Après la liquidation, rien n’est dit par le gouvernement sur la manière dont les pensions évolueraient. Dans certains systèmes comme la Suède, un coefficient est appliqué chaque année aux pensions versées, elles peuvent donc perdre de la valeur en cours de retraite (entre 2010 et 2013, la pension de chaque suédois a perdu 10% de sa valeur). Ce n’est pas cependant la piste envisagée pour le moment par le gouvernement. Dans le nouveau système, la cotisation serait dûe sur l’ensemble des salaires et traitements (indemnités comprises) dans la limite de 10 000 euros par mois (3 “plafonds de la Sécurité Sociale”). |
La notion de nombre de trimestres disparaîtrait, un âge de départ possible serait maintenu, à 62 ans a priori, avec de possibles systèmes de « minorations » des pensions jusqu’à un âge « pivot », bien au-delà de 62 ans.
La réforme se ferait sur la base du slogan de campagne d’Emmanuel Macron « un euro cotisé donne les mêmes droits ».
Ce slogan en apparence simple et de bon sens pose pourtant de nombreuses questions, et en particulier :
- les mêmes droits, certes, mais QUELS DROITS ? Aujourd’hui, le système de retraites, même dégradé par les réformes, permet d’acquérir des droits qui s’expriment en pourcentage du meilleur salaire : on sait qu’en partant à tel âge, on aura tel pourcentage du traitement des 6 derniers mois (les 25 meilleures années dans le privé), c’est ce qu’on appelle le taux de remplacement. Avec un nouveau système par points, plus aucun objectif de cet ordre n’existerait : seule compte la valeur du point, qui varie d’une année sur l’autre. Dit autrement, on peut très bien se retrouver avec des pourcentages très faibles de son meilleur salaire dès lors que la valeur du point baisse.
- Autre question à poser : que se passe-t-il quand l’euro n’est pas cotisé ? Aujourd’hui, quand on interrompt son activité pour congé maternité, parental, chômage, etc, il existe des systèmes de majorations en termes de nombre de trimestres. Qu’en serait-il dans un nouveau système où l’euro cotisé est la mesure de toute chose ? JP Delevoye tente de rassurer en disant que des « points gratuits » seront donnés, mais sur quelle base le seront-ils ? ( par exemple donnerait-on un forfait de points par enfant ou donnerait-on le nombre de points correspondant au meilleur salaire de la collègue ?, etc). Qu’en serait-il des pensions de réversion, c’est à dire les pensions versées au conjoint survivant, aujourd’hui sans plafond de ressources pour les fonctionnaires, ce que le gouvernement voudrait remettre en cause.
Tout euro perçu donnerait lieu à des cotisations et donc à des points, cela a au moins deux conséquences :
- on prendrait désormais en compte la totalité de la carrière alors que dans le système actuel, que ce soit dans le public ou dans le privé, les mauvaises années sont en partie « lissées ». Par exemple, le fait que les salaires de début de carrière sont très bas pour les fonctionnaires (un enseignant débute à 1,3 SMIC !!!) est en partie compensé par le droit à une carrière et donc par le calcul de la pension sur les meilleurs traitements, ceux de la fin de carrière. Avec la réforme Macron, ce ne sont plus les 6 derniers mois qui comptent mais l’ensemble des salaires, y compris les salaires –scandaleusement- faibles du début.
- cela signifierait pour les fonctionnaires la prise en compte des primes et indemnités. C’est une très mauvaise nouvelle pour toutes les catégories de personnels qui ont très peu de primes (les enseignants mais pas seulement), et c’est une très mauvaise nouvelle pour le service public quand on sait à quel point la politique de développement des primes est un formidable instrument de gestion différenciée des personnels : revaloriser certains seulement pour justifier le gel du salaire de tous les autres serait ainsi encouragé !
Les éléments de langage du gouvernement à l’épreuve des faits
Se battre pour nos retraites, c’est montrer qu’elles sont parfaitement finançables
L’argument du choc démographique
En 2000 il y avait 4 personnes de 60 ans ou plus pour dix personnes ayant entre 20 et 59 ans, en 2050 il y en aura 7 pour 10.
Ce n’est pas insurmontable si les taux de cotisation augmentent et si d’autres sources de financement sont trouvées.
Il n’est pas illogique, dans une société où les personnes de plus de 60 ans sont plus nombreuses, que la société leur consacre davantage. C’est même un bénéfice pour la société que les retraités aient un revenu qui leur permette d’en être pleinement partie prenante. Passer d’environ 14% du PIB comme c’est le cas actuellement à 18 ou 19% environ permettrait de financer la retraite à 60 ans telle que la FSU la porte, ce ne serait pas un effort insoutenable.
Car à l’inverse, une société où les travailleurs se tuent à la tâche jusqu’à un âge avancé et où les personnes âgées sont maintenues dans la misère est-elle enviable ? Pour ne prendre qu’un exemple, l’augmentation du nombre moyen d’arrêts maladie constatée dernièrement est dûe en grande partie à la hausse des arrêts pour longue maladie, particulièrement entre 60 et 62 ans. Faire travailler les gens plus longtemps a donc aussi un coût financier et humain, c’est plus d’arrêts maladie à financer, ce sont aussi plus de souffrances et moins de possibilités de profiter de la vie en bonne santé.
Par ailleurs, l’argument du choc démographique nie les gains de productivité futurs : un actif de demain produira davantage en valeur qu’un actif d’aujourd’hui, et sauf à considérer que l’ensemble de ces gains de productivité doivent aller aux profits, ces gains de productivité permettent d’envisager un financement des retraites.
L’augmentation de l’espérance de vie n’a rien de définitif, c’est grâce à la protection sociale en général, grâce au système de retraites, que ces gains d’espérance de vie ont été possibles. On sait que l’espérance de vie en bonne santé baisse ou stagne, que l’espérance de vie baisse tout court aux Etats-Unis : est-ce cela que l’on veut ?
La FSU demande d’autres financements pour les retraites
- pour avoir davantage de cotisants, il faut mener une politique de l’emploi. Aujourd’hui, plus de 5 millions de personnes sont privées d’emplois et condamnées à la précarité ou aux petits boulots, c’est un manque à gagner considérable pour les régimes de retraites. Cette politique de l’emploi pourrait passer par une modulation des taux en fonction de la politique de l’emploi menée par l’entreprise et par une majoration des taux de cotisation pour les employeurs qui réalisent d’importants profits.
- pour avoir davantage de cotisations, il faut davantage de salaires. Par exemple, les cotisations sur les bas salaires ont été très fortement réduites, ce qui incite à embaucher au SMIC : le cercle vicieux que cela entraîne, c’est moins de salaires et moins de cotisations dans les caisses de retraite, il faut en sortir ! Si les femmes étaient payées à leur juste qualification, le relèvement de leur salaire pour atteindre l’égalité salariale ferait là aussi progresser les cotisations.
* pour financer les retraites, il faut mettre à contribution les revenus financiers, en prélevant une partie des 250 milliards versés sous forme de dividendes.
L’argument de la simplicité et de la lisibilité
Il n’y a rien de plus illisible qu’un système dans lequel on ne peut pas connaître à l’avance le montant de sa pension !
Il n’y a rien de plus simple, à l’inverse, qu’un système qui assure un pourcentage du dernier traitement brut ou des meilleurs salaires dans le privé.
La complexité a été introduite par les réformes qui, à coup de décotes, de proratisations, de suppressions de droits aux uns d’abord puis aux autres ensuite, ont introduit des éléments d’incompréhension, c’est sur ces réformes qu’il faut revenir !
Pour aller plus loin :
Les publications FSU :